Roland-Garros a débuté avec les qualifications tandis que les hostilités démarreront dans deux semaines pour le tennis fauteuil. La grille des prize-money, les gains que remporteront les joueuses et les joueurs en fonction de leurs résultats, a été révélée par l’organisation. Plusieurs voix se sont élevées pour protester contre la différence des montants entre les tournois valides et les tournois de tennis fauteuil. Est-ce logique ou injuste ? L’Encre Battue se plonge dans ce débat !
Pour cette édition 2023, Roland-Garros a annoncé une augmentation totale de 12,3 % pour l’ensemble de ces compétitions avec une dotation globale de 49,6 millions d’euros. Le tournoi, dans son communiqué, annonce vouloir augmenter significativement les prize-money alloués aux « épreuves de tennis-fauteuil et de quad ». Ainsi, Amélie Mauresmo et son équipe se vantent d’une augmentation de 40 % de la dotation pour l’ensemble des épreuves de la discipline, contre « seulement » 9,1 % pour les tableaux principaux valides. Cette augmentation se matérialise par des dotations sensiblement plus élevées que l’édition précédente mais elle s’explique surtout par l’ouverture des tableaux, passant de 12 participants à 16 participants, ce qui logiquement augmente la dotation totale.
Les vainqueurs femmes, quad et hommes de tennis fauteuil remporteront donc 60 000 euros, contre 56 000 euros en 2022. Loin des 40 % d’augmentation… En revanche, les perdants du 1er tour se verront attribués 8 000 euros, contre 5 000 euros en 2022, soit une augmentation nette de 62,5 %. A titre de comparaison, la dotation pour les perdants du 1er tour a augmenté de 11 %. En double, les paires victorieuses gagneront 20 000 euros à se répartir à 2 alors qu’une défaites au 1er tour rapportera 5 000 euros (soit 2500 euros).
Une volonté claire d’ouverture
Ce qui est évident depuis qu’Amélie Mauresmo est devenue directrice du tournoi, c’est que le Grand-Chelem parisien s’est ouvert au tennis fauteuil. Longtemps un cheval de bataille, les tableaux de tennis fauteuil sont passés de 8 joueuses et joueurs à 12 l’année passée puis 16 cette année. L’US Open et l’Open d’Australie ont emboîté le pas à Paris, ce qui est à noter, et ont ouvert également à 16. Cela change considérablement la donne et permet à davantage d’athlètes de bénéficier de la dotation des Grands Chelems, de leurs expositions et de leurs renommées.
De plus, dès l’année passée, deux matchs ont eu lieu sur le court central de Roland-Garros ce qui est une belle avancée même si des améliorations peuvent être apportées. Enfin, pour ce qui est des dotations, on ne peut nier pour cette édition 2023 une volonté d’augmentation nette du prize-money total. 62,5 % d’augmentation pour une défaite au 1er tour, peu de salariés peuvent se targuer d’augmentation aussi importante d’une année à l’autre…
La comparaison avec les valides peut faire mal
Ce qui est reproché à la direction du tournoi c’est la différence, monumentale entre la dotation valide et fauteuil. Les vainqueurs des différentes épreuves de tennis fauteuil gagnent moins qu’un perdant au 1er tour des tableaux valides (60 000 euros contre 69 000). Perdre au 1er tour chez les valides rapportent 11 fois plus d’argent qu’en fauteuil. Et ne parlons même pas de la différence entre le vainqueur des épreuves valides (2,3 millions d’euros) et celui des fauteuils
Mais la comparaison peut-elle simplement être réalisée ? Peut-on comparer une discipline pratiquée par plus de 50 millions de personnes dans le monde avec le tennis fauteuil ? Depuis des années maintenant, le sport est devenu une économie à part de nos sociétés et le tennis n’échappe pas à la règle. En 2022, Roland-Garros a enregistré plus de 300 millions de recettes pour un tournoi qui s’étale sur 3 semaines. Ces recettes sont liées à la billetterie, aux droits télés et aux sponsors, entre autres. Il est indéniable que le tennis fauteuil profite pleinement de cette manne financière conséquente, même si la dotation globale ne représente qu’un 1,6 % de la dotation totale du tournoi (810 000 euros sur l’enveloppe totale).
Le tennis valide et le tennis fauteuil sont donc incomparables et il faut clairement voir le verre aux trois quart plein. Le tennis fauteuil est un jeune sport et l’un des plus développés des handisport. Cela n’empêche pas que le circuit doit progresser encore et toujours, notamment concernant les prize-money hors Grand-Chelem.
Le prize-money hors Grand-Chelem, le nerf de la guerre
Si critique des dotations doit être faite, elle doit se porter sur les montants des prize-money sur le circuit le reste de la saison. Ainsi, le prize-money total d’un Super Series (grade le plus élevée) s’élève à 54 000 euros, somme qui est répartie entre les joueuses, les joueurs et les quad. Très très très loin des 810 000 euros de dotation lors de Roland-Garros. Un tournoi future (grade le plus bas) n’octroie que 3 000 euros de gains. La dotation de Roland-Garros est donc déjà 270 fois plus importante que celle d’un futures. Le tableau ci-bas illustre parfaitement cette différence monumentale. Les Super-Series sont disputés par les mêmes joueurs mais le prize-money est 16 fois moins important qu’en Grand Chelem.
ITF FUTURES | ITF 3 | ITF 2 | ITF 1 | ITF SUPER SERIES | |
Dotation totale | 3000 euros | 14000 euros | 22000 euros | 32000 euros | 50000 euros |
Comparaison avec RG (810 000 euros) | 270 fois inférieur | 57,9 fois inférieur | 36,8 fois inférieur | 25,3 fois inférieur | 16,2 fois inférieur |
Si effort il doit y avoir, il ne doit pas être sur une augmentation des prize-money en Grand-Chelem mais sur une évolution significative des dotations sur les autres tournois pour réduire ce delta et permettre à plus de joueurs de vivre de leur sport. Sur une année, une joueuse classée aux alentours de la 30ème place mondiale ne perçoit qu’entre 3000 et 7000 euros de prize-money à l’année… Une hérésie quand on connaît le budget que représente une saison à plus de 20 tournois internationaux.
Il semble donc injuste de critiquer la dotation de Roland-Garros pour le tournoi de tennis fauteuil cette année. En revanche, des combats plus intéressants peuvent être menés comme la question de la médiatisation des rencontres sur le service public (France TV est encore diffuseur) ou bien encore celle de la visibilité de l’événement sur les plateformes de communication de Roland-Garros. En parallèle, un véritable effort doit être effectué pour garantir des dotations plus justes à l’année sur le circuit principal de tennis fauteuil. Pour que les Grand-Chelem ne restent pas une parenthèse dorée…