L’indispensable ouverture des Grands Chelems pour le tennis en fauteuil

Pour tous les fans et pratiquants du tennis, les Grands Chelems représentent le graal final, la consécration d’une vie sportive. Le circuit de tennis en fauteuil n’échappe pas à cette maxime qui veut que toutes les joueuses et tous les joueurs soient motivés à l’idée de participer un jour à ce genre de tournois. Malheureusement, la sélection y est encore drastique et la participation n’est réservée qu’à l’élite. Pour que le tennis en fauteuil se démocratise, il est indispensable que les Grands Chelems s’ouvrent à un plus grand nombre. 

Les Grands Chelems, un monde réservé qu’aux meilleur(e)s…

Depuis maintenant quelques années, les quatre levées du Grand Chelem (US Open, Wimbledon, Roland-Garros et Open d’Australie) accueillent des épreuves de tennis en fauteuil durant chaque quinzaine. L’épreuve quads est venue compléter cette intégration dans le calendrier de tennis « valide » depuis 2018 et la première exhibition à Wimbledon. Cependant, la part belle faite au tennis en fauteuil est encore très minime. Les compétitions ne sont disputées que sur trois jours, la plupart du temps en fin de deuxième semaine, ce qui oblige à réduire au strict minimum la taille des tableaux (8). Les épreuves de simple (féminin et masculin) débutent seulement en quarts de finale et ne concernent que huit joueurs et huit joueuses. La sélection se fait sur la base du classement ITF ce qui permet aux sept meilleurs mondiaux de participer à l’événement. La dernière place est réservée à une invitation décernée par l’organisateur. Le cloisonnement va plus loin puisque les qualifié(e)s pour le tableau de double sont les mêmes que pour le simple. Les huit sélectionnés doivent donc former des paires entre eux. Le nombre de joueuses et de joueurs qui ont la chance de pouvoir participer aux Grands Chelems est dès lors extrêmement limité. Le plus grand problème posé par cette règle est qu’elle créé un circuit fermé, un top 7 quasiment inaccessible au reste des sportifs. 

Un top 8 qui se régénère très peu…

Outre le fait qu’elle offre la possibilité d’évoluer sur des grands courts, une participation à un tournoi du Grand Chelem garantit de nombreux points ITF à la clé. En effet, si un joueur se qualifie par son classement et qu’il perd au 1er tour alors il remportera quand même 100 point. Cela représente l’équivalent d’un cinquième du total de points de la 30ème joueuse mondiale par exemple. Le jackpot arrive en cas de victoire(s). Le vainqueur d’un Grand Chelem remporte l’équivalent de 800 points près de deux fois plus qu’en cas de victoire en Masters 1000 (485 points). 

Points récoltés en Grand Chelem

1er tour : 100 points 

Demi-finale : 375 points 

Finale : 500 points 

Vainqueur : 800 points 

Ce qui est injuste n’est pas le nombre de points attribués mais l’impossibilité pour la majeure partie des joueuses et des joueurs de pouvoir gagner ces points. Dans ce système, les Grands Chelems sont l’équivalent du Masters de fin d’année qui récompense les huit joueuses et joueurs les plus performant(e)s de l’année civile. Une ligue fermée se crée autour du top 8 qui est inaccessible pour la plus grande majeure partie du circuit mondial car la simple présence lors des quatre Grands Chelems de l’année garantit 400 points, soit plus du double de points que la 20ème mondiale. C’est d’ailleurs le gouffre qui sépare la 7ème place de la 9ème place, chez les dames comme chez les hommes.

Wimbledon tennis fauteuil

… et donc un fossé qui se creuse 

L’affaire est sportivement très mauvaise et ne permet pas un circuit équilibré. En plus d’offrir de précieux points, jouer les Grands Chelems permet de se confronter aux tous meilleurs joueurs du monde. Le cercle est vicieux car le fossé se creuse de plus en plus entre les joueurs dans le top 8 mondial et les joueurs en dehors. L’affaire est aussi avantageuse financièrement. Le prize-money en Grand Chelem est bien plus important que sur tous les autres tournois disputés tout au long de l’année sur le circuit ITF. L’Open d’Australie 2020 va offrir un prize-money total pour les épreuves de tennis en fauteuil de 300 000$, une somme largement supérieur aux 45 000$ perçues lors des Super Series (catégorie la plus élevée). Un gouffre qui crée forcément des inégalités financières, et par conséquent sportives quand on connaît le coût annuel d’un joueur de tennis professionnel (voyage, staff, hôtel, soins…). La solution n’est évidemment pas de baisser le prize-money perçu en Grand Chelem mais plutôt de réussir à augmenter celui sur l’ensemble de la saison. 

Quelles solutions ?

La ITF serait en discussions avec les organisateurs des quatre Grands Chelems pour tenter de passer d’un tableau de 8 à 12 joueurs. Cette solution, même si elle permettrait à quatre joueuses et quatre joueurs supplémentaires de participer aux Grands Chelems, est une fausse solution. Car, en plus de simplement déplacer le problème (le circuit serait fermé à 12 joueuses et 12 joueurs au lieu de 8 actuellement), elle créerait un autre problème d’équité : les 4 premiers mondiaux auraient un bye lors du 1er tour et affronteraient, au second tour, un joueur ayant déjà disputé un match… 

La grande problématique des Grands Chelems est qu’ils n’ont pas beaucoup de temps et d’espaces à accorder au tennis fauteuil. Agrandir les tableaux nécessiterait de disputer sur plus de jours (5 jours si ce sont des tableaux de 32) et sur plus de courts. Si la 1ère semaine de chaque Grand Chelem est réservée aux compétitions individuelles qui occupent tous les terrains, la seconde est partagée par différentes épreuves : juniors, fauteuil, double et trophée des légendes. Réduire la taille d’une de ces compétitions pour laisser plus de places au tennis fauteuil ? Peu de chances que cela arrive, le tennis fauteuil n’est pas encore assez suivi et médiatisé. 

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La création de Grands Chelems propres au tennis en fauteuil 

L’une des solutions possibles pour palier à cette inégalité sportive serait que le circuit de tennis en fauteuil crée ses propres Grands Chelems à des endroits et des dates différents. Certes, il n’y aurait plus la magie que représente le fait de jouer à Roland-Garros ou Wimbledon mais cela permettrait de garantir une plus grande équité sportive. Surtout, d’un point de vue communicationnel le tennis en fauteuil ne souffrirait pas de l’ombre faite par le tennis « valide » durant les Grands Chelems. La communication réalisée sur l’événement pourrait être plus importante et attirer un plus grand nombre de spectateurs désireux de découvrir ce sport. Dès lors, les Grands Chelems actuels pourraient être des sortes de grandes exhibitions permettant d’attirer les suiveurs vers le circuit international et non des tournois rapportant des points ITF. La route est encore longue pour en arriver à une telle situation mais la question de la gestion des Grands Chelems doit être posée. Il en dépend de l’avenir de ce sport. 

Auteur: Valentin Desanges

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