La Fédération Internationale de Tennis est en train de réformer en profondeur le système dit de classification, système mis en place pour définir les athlètes éligibles à pratiquer le tennis fauteuil mais également à les répartir dans deux catégories en fonction de leur handicap. Après avoir effectué un contrôle individuel de chaque joueuse et chaque joueur professionnel, la ITF a publié un long rapport à destination de ces derniers et dernières. Ce rapport dit notamment la chose suivante: « Des dispositions transitoires ont été adoptées dans le règlement pour respecter le cycle paralympique de quatre ans et permettre une transition juste et progressive aux joueurs existants.». A sa lecture, plusieurs joueurs comme Andy Lapthorne et Louise Hunt se sont offusqués. Ils considèrent que si certaines joueuses et certains joueurs n’ont pas satisfait aux critères de la ITF ils devraient être interdits de jouer dès à présent, et non qu’après les Jeux de Tokyo.
Ce problème de la classification en tennis fauteuil ne date pas de la semaine dernière et interroge sur la pertinence de ces fameux « critères ». Comment savoir si une personne est « assez » handicapée pour pratiquer un sport ? Peux-t’on établir une sorte de hiérarchie du handicap ? L’Encre Battue va tenter de répondre à ces interrogations.
Le tennis fauteuil, un sport peu catégorisé
Le tennis fauteuil fait partie de l’handisport, c’est-à-dire des sports pratiqués par les personnes en situation de handicap. L’inventeur Brad Parks et les importateurs en France, Jean-Pierre Limborg et Pierre Fusade, n’avaient sans doute pas d’autres idées en tête que d’offrir la possibilité à tout le monde de pratiquer le tennis fauteuil. Quand on se penche sur la définition de ce sport, on lit que pour avoir le droit de disputer des tournois, il faut avoir un handicap moteur qui empêche la pratique du tennis debout. Dès lors, qu’une seule catégorie de compétition, appelée « open », a été mise en place créant une homogénéisation des handicaps. Cependant, une autre catégorie a vu le jour celle nommé « quad » qui regroupe toutes les personnes ayant un handicap aux membres inférieurs et supérieurs. A ce jour, il n’existe donc que deux catégories de compétitions en tennis fauteuil.
Le tennis fauteuil fait office d’exception dans le monde de l’handisport. La natation a la palme avec pas moins de 14 catégories de compétitions lors des Jeux Paralympiques. L’athlétisme dépasse également le tennis fauteuil avec ses 5 catégories différentes, le tennis de table aussi (10 catégories). La faible catégorisation en tennis fauteuil offre un plus grand nombre de participants aux tableaux et aux tournois. En contrepartie, le déséquilibre peut être grand en fonction du handicap de chaque sportif.
Des déséquilibres trop importants entres les handicaps ?
Actuellement, pour avoir la possibilité de disputer des tournois dans la catégorie open, il faut « avoir un handicap physique permanent qui entraîne une perte importante de la fonction de l’un ou des membres inférieurs et qui respecte ou dépasse les critères d’éligibilité du sport ». Ainsi, selon la ITF, un paraplégique et un amputé partent sur la même ligne de départ, comme un individu atteint d’une malformation ou d’une maladie La mise en place d’une catégorie unique se base sur le postulat que tous les handicaps se valent. Mais est-ce seulement vrai ? Il est quasiment impossible de répondre par une affirmation à cette question. Chaque handicap possède ses inconvénients et ses avantages, pour la pratique du tennis fauteuil bien sûr, et se risquer à une hiérarchie du handicap serait délicat, voire inutile.
Nous pouvons tenter quand même de dresser des tendances à la lecture des résultats notamment. Le top 10 féminin actuel peut donner une indication sur la représentativité des handicaps au haut-niveau. Une seule joueuse, Lucy Shuker, est paraplégique, une autre est amputée (Sabine Ellerbrock) et les autres ont soit des malformations de naissance (Diede De Groot, Yui Kamij) soit une maladie (Zhenzhen Zhu, Jordanne Whiley…). Difficile d’en tirer des conclusions. Pourtant une statistique saute aux yeux en y prêtant un peu plus attention: 9 des 10 joueuses du top 10 peuvent, avec plus ou moins d’aisance, marcher. Suffisant pour annoncer qu’avoir la possibilité de marcher permet de mieux jouer assis ? Si oui, la création d’une catégorie réservée exclusivement aux personnes ayant la possibilité de marcher pourrait être mise en place. Car, marcher permet de renforcer ses cuisses et ses mollets, muscles très utiles pour la poussée au service ou encore pour la tenue du corps au moment de la frappe.
La nécessité de poser une limite claire et de la respecter
Tous ces arguments sont vite contrebalancés par le fait que la meilleure joueuse du monde, Diede De Groot, et le meilleur joueur du monde, Gustavo Fernandez, sont nés dans un fauteuil roulant. Ils ont tous les deux appris le maniement et les rudiments du fauteuil dés la naissance. Chez eux, le déplacement en fauteuil est de l’ordre de l’inné tandis que pour un accidenté qui a débuté le tennis fauteuil plus tard, le déplacement est moins naturel. Dès lors, il semble impossible de hiérarchiser les handicaps car ils possèdent tous leurs avantages et leurs inconvénients. Créer plusieurs catégories de compétitions ne résoudrait pas le problème de fond, des différences perdureraient et les compétitions seraient dégarnies.
Pourtant, il faut bien réussir à poser des limites pour que le tennis fauteuil reste un sport réservé aux personnes atteintes d’un handicap. L’objectif d’une classification réussie est de voir le handicap de l’individu jouait un rôle moindre dans le résultat final du match pour que les aptitudes et compétences sportives primes. La ITF le résume ainsi: « la classification a été créée dans le but de faire en sorte que ce soit une aptitude sportive plutôt que la nature. ou le degré d’incapacité qui détermine le succès sur le terrain ».
Nous ne pouvons donner notre avis sur les critères médicaux à respecter, cette décision doit être prise par un corps médical compétent. Cependant, il apparaît indispensable que l’individu possède le titre d’handicapé dans son pays et qu’il se retrouve dans l’incapacité de pratiquer le tennis « debout » en compétition. La question des joueuses et joueurs atteints d’une maladie doit aussi être abordée avec sérieux. En effet, il est possible qu’un sportif ou une sportive remplisse les critères d’invalidité mais que, quelques temps plus tard, il soit guéri ou soigné. Son handicap a alors évolué et il peut ne plus être considéré comme « assez » handicapé pour jouer en fauteuil.
Le flou de la ITF
Le cadre doit être stricte et respecté sans qu’aucune complaisance ne soit accordée. C’est très clairement le rôle de la ITF qui doit se montrer à la fois professionnelle et rigoureuse dans le contrôle. Et sur cette question, elle ne l’est pas encore assez. Elle ne peut pas rester dans le flou en évoquant simplement une « nouvelle classification » et en annonçant une sorte de transition tour situé après l’échéance des Jeux de Tokyo. Les critères doivent être clairs et cohérents et les contrôles des athlètes réguliers. De plus, elle annonce dans le nouveau rapport, la ITF annonce la fin des auto-évaluation mais demande aux joueurs d’envoyer leur… auto-évaluation pour être éligible aux Jeux de Tokyo.
La ITF ne doit pas avoir peur d’interdire la compétition à certaines athlètes ne respectant pas ou plus les conditions demandées. L’échéance des Jeux ne devrait pas être crainte mais plutôt vue comme l’occasion d’établir un ordre. Il en va de la survie du tennis fauteuil.
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